Le 21 mars 2019, le Tribunal correctionnel de Marseille a prononcé la relaxe de ma cliente dans une affaire où il lui était reproché d’avoir « reconnu frauduleusement un enfant pour l’obtention d’un titre de séjour ».
Je publie ce jugement de relaxe où nous pourrons regretter la courte motivation : « Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et des débats qu’un doute existe sur les éléments constitutifs de ces deux délits, s’agissant notamment de l’élément moral de l’infraction et de l’intention frauduleuse des prévenus ».
En premier lieu, j’avais plaidé à l’audience que la poursuite pénale à l’encontre de ma cliente était déjà mal qualifiée puisqu’elle ne pouvait être l’auteur d’une reconnaissance et ne pouvait qu’être poursuivie qu’en tant que complice de ce délit (en effet au sein d’un couple non marié, la filiation d’un enfant s’établit différemment à l’égard du père et de la mère : pour la mère, il suffit que son nom apparaisse dans l’acte de naissance pour que la maternité soit établie. En revanche pour établir sa paternité, le père doit, lui, faire une reconnaissance), mais le Tribunal ne mentionne rien à ce sujet dans le jugement.
En second lieu et surtout, j’ai plaidé que l’infraction prévue par l’article L.623-1 exige un « dol spécial » c’est-à-dire l’intention exclusive de faciliter le séjour en France de l’étranger.
Le Jurisclasseur « Lois pénales Spéciales » met en évidence cette intention exclusive :
« Pour l’application de l’article L.623-1 al.1 du CESEDA, il importe positivement que l’agent ait contracté un mariage ou ait procédé à la reconnaissance d’un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française »
« Négativement, toujours, à propos de la reconnaissance frauduleuse d’un enfant, il importe de démontrer que l’agent n’a pas été animé de l’intention de faire siennes les conséquences du lien de filiation hormis celles liées à sa qualité de personne étrangère. Ainsi que la doctrine l’a souligné, c’est le « fraudeur absolu », celui qui accomplit l’acte dans le seul but de contourner la législation française de lutte contre l’immigration ».
La doctrine précise que : « Concrètement, pour établir la preuve que la fraude à la législation française a été le but exclusivement recherché, il faudrait que le père déclaré se soit désintéressé des mineurs ».
J’ai plaidé que c’était au Procureur de rapporter la preuve que le prévenu a eu cette intention exclusive (le doute bénéficiant au prévenu) et qu’il ne le faisait pas, tandis qu’au contraire le père prouvait qu’il avait maintenu les liens avec l’enfant et qu’il se comportait à son égard comme le père légal qu’il est. Le père devait donc être relaxé et, par voie de conséquence, la mère aussi
Voici le lien pour le jugement de relaxe : jugement TCEL relaxe reconnaissance frauduleuse enfant
Si le sujet vous intéresse, vous trouverez dans mes précédentes publications un article où mon client était un père français poursuivi pénalement pour « avoir reconnu un enfant en sachant qu’il n’était pas le père biologique pour faciliter le séjour en France de la mère de nationalité étrangère » et où j’avais également obtenu la relaxe.
Maître BUQUET Jean-Laurent, Avocat, Tél : 06 16 31 08 42